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A l'école du bien être (Atelier 2018)

Analyse des processus d'institutionnalisation des pratiques psychocorporelles dans l’espace scolaire Le développement des pratiques de bien-être à l’intérieur des sociétés occidentales.

Les pratiques d'entretien du corps se sont largement diffusées depuis les années 1970(2). À l’intérieur du processus d'individuation(3), le corps est en effet fortement valorisé dans les représentations normatives du « bien-être »(4) et du « développement personnel ». En outre, l’évolution de l'individualisme contemporain génère des responsabilités individuelles importantes(5) qui conduisent les catégories sociales plus dotées culturellement à vouloir « gérer leur capital corps », à « utiliser leur corps sans l’user ». À ces logiques s’ajoutent des injonctions de forme, de santé et de performance relativement violentes et anxiogènes auxquelles sont soumis les acteurs des sociétés occidentales. Cela crée une forte demande en solutions, en recettes, en réparations de soi afin d’être conforme aux exigences sociales de perfection et de bien-être. Dans cette perspective, la quête de sens dans laquelle sont plongés certains individus favorisent la multiplication des pratiques corporelles et contribue à faire éclore un nouveau marché : celui des pratiques de bien-être. Celles-ci regroupent l’ensemble des pratiques dites « alternatives » - dans le domaine médical, thérapeutique, sportif - visant à l’optimisation du bien-être individuel(6).

Se réconcilier avec soi, relier son corps avec son esprit, rompre avec le stress, décompresser, se relaxer, faire une pause détox...Les vocables associés aux pratiques de bien être fourmillent dans les médias et semblent avoir investi de nombreux espaces de la vie sociale. En 2010, une enquête effectuée par Ipsos sur le rapport des français-e-s à leur corps et au bien être constatait que 13% d'entre eux pratiquaient des activités dites « de relaxation ». Actrices principales de l'explosion du marché du bien-être, les pratiques psychocorporelles( (Yoga, qigong, tai-chi, méditation, sophrologie, eutonie...) se développent dans une mosaïque de formes et de méthodes poursuivant des objectifs de détente, de relaxation mais surtout de travail de l’« intériorité ».

Plusieurs centaines de techniques sont ainsi proposées et des dizaines de milliers de personnes les pratiquent au quotidien. Les cours de Yoga, qigong, tai-chi sont présent dans les programmes d'activités de toutes les MJC de France font salle comble. Plus encore, les salles de remise en forme "conventionnelles" ont intégré dans leurs catalogues des séances de « gymnastique douce » de type PilatesTM, stretching ou Body balanceTM largement inspirées des méthodes précitées.

Se mêlant de façon complexe au marché du « développement personnel »(8) - lui-même largement investit par la psychologie - et au marché de la santé car elles entrent de plus en plus souvent dans des itinéraires thérapeutiques(9), les pratiques psychocorporelles deviennent ainsi des outils de perfectionnement de soi, d'épanouissement personnel, dans l’intimité et l’exploration de soi. Elles prennent ainsi en charge la « gestion de soi » et la « maîtrise émotionnelle», conditions considérées comme primordiales à l’intérieur des normes dominantes de santé psycho-sociale pour accéder à un bien-être, à « une harmonie avec soi- même ».

Des pratiques orientées vers l’éducation des enfants

Au cours d’une recherche sur les modalités d’engagement et de maintien dans la pratique du qigong, nous avons observé le développement progressif d'une offre de pratiques de bien-être à destination des enfants et adolescents (4 - 15 ans) dans le secteur marchand. C'est le Yoga - discipline la plus populaire dans le monde occidental car le monde indien est perçu comme l'altérité suprême en Occident(10) - qui occupe une large place sur le marché. Ainsi, des magazines dédiés à l'enfance (Pom d’api) proposent systématiquement dans leurs parutions des exercices de respiration, de relaxation avec ou sans mouvement sous la dénomination "Yoga". C'est aussi le cas de cahiers de vacances (collection Montessori chez Hachette).

Dans le domaine scolaire, un réseau de recherche sur le Yoga dans l'éducation (RYE) a reçu en 2013 un agrément ministériel accordé au titre des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public. À ce titre, les personnes détenant le certificat RYE sont qualifiées pour intégrer les techniques de yoga dans leur enseignement et/ou pour animer des ateliers dans le cadre de la réforme des rythmes éducatifs.

Dans une perspective élargie, le « bien-être » dans et par l’école ainsi que la recherche d’un climat scolaire serein sont considérés par de nombreux pédagogues comme des éléments constitutifs de la réussite scolaire. Le bien-être est ainsi renvoyé à un degré de satisfaction individuel, des élèves ou des personnels, dans différents aspects de la vie scolaire(11).

Alors, analyser l’introduction de pratiques psychocorporelles spécifiques dans l'espace scolaire implique de s’intéresser à « la place du corps » dans les apprentissages scolaires(12). Le corps donnant lieu à des apprentissages explicites(13) et faisant l’objet de pratiques éducatives spécifiques(14), sa place au sein des stratégies éducatives des familles mais aussi de l'école est centrale.

L’introduction des pratiques psychocorporelles à l’école : enjeux éducatifs, inégalités sociales. Objet de la recherche

Le projet de recherche proposé vise ainsi à constituer un réseau local et pluridisciplinaire de chercheur-e-s, pour entreprendre une enquête collective exploratoire sur les modalités d’introduction des pratiques psychocorporelles orientées vers le « bien-être » des élèves dans l'espace scolaire (temps scolaire et périscolaire). Il a pour ambition d'analyser les conditions matérielles, institutionnelles, spatiales, et symboliques qui sont associées à ces pratiques dans différents cadres scolaires (cours, atelier, temps périscolaire en école maternelle, école élémentaire, collège et lycée).

Quels sont les processus d'institutionnalisation des pratiques corporelles de bien-être dans l’espace scolaire? Quel.le.s sont les enseignant.e.s et autres acteurs-trices éducatifs qui intègrent ces pratiques à leurs pratiques professionnelles? Ces pratiques sont-elles souhaitées par le corps enseignants ou au contraire rencontrent t elles beaucoup de réticences? Dans

quels types d'établissements sont-elles pratiquées? A quels niveaux du système éducatif? Comment sont-elles organisées? Quelles sont les modalités d’appropriation de ces formes et techniques psychocorporelles par les enseignant-e-s? Quelles sont les ambitions formatrices desdites pratiques? En étudiant les parcours et les discours des formateurs.trices et des enseignant.e.s ayant fait le choix d’intégrer ces pratiques dans leur stratégie pédagogique, il s’agira de mettre en lumière leurs systèmes de représentations afin de pouvoir reconstruire leur engagement dans ces pratiques.

Nous faisons l’hypothèse que l'introduction de ces pratiques a pour ambition formatrice que chaque élève acquiert une autonomie dans la gestion de soi et par extension qu’il soit capable de prendre en charge son activité intellectuelle(15). Or, l’attention portée au corps(16), aux émotions(17)et à l’intime sont des catégories socialement construites. Ainsi la responsabilisation des enfants via une pratique "ascétique" qui suppose un grand effort sur soi renforcerait des inégalités sociales de classe. Cette hypothèse sera approfondie par la prise en compte du genre – système de production et de hiérarchisation des sexes- chez les formateurs et formatrices :en tenant compte des socialisations sexuées sexe articulées au « genre des pratiques » (pratiques « féminines », « masculines »...)(18).

Cette enquête à visée exploratoire constituera le support d’un projet de plus grande envergure que nous envisageons de soumettre à l’ANR. Ce projet constitue ainsi la première étape d’une ethnographie collective de l’enseignement, de la réception et des usages des pratiques psychocorporelles dans l’espace scolaire, englobant toutes les pratiques possibles : des usages plus informels jusqu’aux discours « sur ».

L’investigation conjuguera des entretiens semi-directifs (entre 10 et 15) avec les acteurs académiques (enseignants, intervenants extérieurs, animateurs...) et des observations ponctuelles dans les régions lyonnaise et toulousaine en école primaire et en collège-lycée. Un questionnaire sera construit pour sonder les pratiques et leur réception parmi les collégiens et lycéens.

 

Janvier 2018

Elaboration de la grille d’entretien | Elaboration du questionnaire

Février 2018 – Juin 2018

Organisation de deux ateliers de travail | Observations directes dans 4 écoles de la région toulousaine et 6 écoles de la région Lyonnaise. | Conduite des entretiens

Juin 2018 - Octobre 2018 

Décryptage des entretiens et analyse des entretiens | Organisation d’ateliers de travail

Octobre 2018-décembre 2018

Organisation de deux journées d’études | Valorisation des résultats - Rédaction d’un article pour une revue scientifique 

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