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Échelles et modes de décision dans les politiques éducatives : une mise en perspective socio-historique

Participants 

 

Marie-Charlotte Allam (Pacte, IEP Grenoble), Joshua Grabener (Pacte, IEP Grenoble), Solenn Huitric (LARHRA, Ifé), Renaud Morel (Triangle ENS Lyon), Manon Pesle (Pacte, IEP Grenoble), Sidonie Rancon (Triangle, ENS Lyon), Léo Vennin (Pacte, IEP Grenoble).

 

Politiques éducatives et transformation des modes de décision dans les reconfigurations de la « forme scolaire »

 

Alors que la place du local et des logiques territoriales dans l'élaboration des politiques publiques est désormais reconnue par les travaux de science politique, cet atelier exploratoire propose une réflexion sur les transformations des modes de prise de décision dans l’action publique éducative. Plus précisément, comment les changements d'échelles, l'apparition de nouveaux acteurs et d'instruments dans la construction des politiques éducatives font-ils bouger les frontières de l'action de l’État en matière d'éducation ? Après une première série de discussions, nous partirions de l’hypothèse selon laquelle le rapport à la forme scolaire des acteurs impliqués dans les politiques éducatives constitue un axe d’étude pertinent de ces re-configurations. En restituant l'importance de l'échelle locale dans le processus décisionnel, il s'agira de questionner les formes de territorialisation de l’action éducative en les replaçant dans une perspective plus large et sans limiter l’étude au cadre scolaire[1].  Cette problématique, au cœur de la réflexion des sujets de recherche de l’ensemble des doctorant.e.s du projet, permettra de faire dialoguer nos approches de jeunes chercheur.e.s.

Afin de mener à bien cette étude, dans la filiation des travaux menés en 2016 et, notamment, pour restituer l’historicité des modes de prise de décision, plusieurs disciplines seront mobilisées. L’interrogation partira d’une approche liée à la science politique et à la sociologie de l’action publique. En effet, les travaux sur les modes de décision et sur l’élaboration des politiques publiques en avant l’importance des acteurs locaux et internationaux dans la conduite de l’action éducative. Afin de dépasser une approche par le biais de l’échelon étatique ou administratif, il importera d’observer les interactions entre les différents niveaux[2]. L’introduction de nouveaux acteurs, jusque-là pensés comme étant aux frontières du champ éducatif (acteurs socio-culturels, associations, acteurs économiques), conduit à s’interroger sur les potentielles transformations induites sur la problématisation des questions éducatives et les formes de « mise en problème ». Il s’agira aussi de s’interroger sur le profil et les cultures professionnelles des acteurs mobilisés, autant que sur les légitimités produites dans les interactions et la division du travail éducatif opérée[3]. Par ailleurs, la sociologie et l’histoire de l’éducation conduisent à poser la question des traductions réalisées par les acteurs à l’échelle locale lors de l’appropriation des directives nationales[4]. La réappropriation des règles lors de la mise en application des politiques éducatives locales produirait de nouveaux cadres dans lesquels penser l’action publique éducative. Enfin, les recherches en histoire de l’éducation montrent l’importance d’une prise en compte de la mise en système progressive de la gestion de l’éducation par les pouvoirs publics[5]. Dans le cadre scolaire et extra-scolaire, l’implantation des différents types de structures éducatives ne peut se comprendre isolément les uns des autres. Au cours de l’atelier, d’autres disciplines – et notamment la géographie – pourront être mobilisées, pour permettre un enrichissement des perspectives adoptées.

À partir de ce cadre disciplinaire, l’atelier souhaite prolonger les pistes ouvertes en 2016, période pendant laquelle trois axes ont été privilégiés. Le premier a porté, de façon générale, sur la caractérisation du rôle des finalités assignées à l’éducation dans la définition des politiques éducatives. Le deuxième a mis l’accent sur un terrain plus spécifique de l’éducation en interrogeant l’emploi de termes tels que la co-éducation et la capacité des politiques à penser l’éducation hors de l’école. Enfin, à partir du cadre général et du terrain d’étude choisi, un troisième axe a eu pour objectif de travailler les interactions entre échelles d’action en travaillant les notions de relais d’Etat et d’acteurs intermédiaires. Les séances de 2017 permettraient de confronter les conclusions établies aux travaux d’autres chercheurs. Notre objectif est de proposer un dossier cohérent qui, en abordant des terrains délimités, permette de faire le lien entre différents domaines de recherche en éducation : les études sur et hors l’école, les études des politiques éducatives et celles des pratiques éducatives.

L’atelier vise également à contribuer à l’identification des conditions théoriques de la transdisciplinarité sur les questions d’éducation et de formation et à questionner les présupposés normatifs compris dans les travaux sur l’éducation. Une articulation entre disciplines est désormais considérée comme nécessaire mais difficile à mettre en pratique, ce à quoi cet atelier exploratoire pourrait contribuer, en définissant un cadre de travail permettant d’assurer une comparaison entre résultats. L’atelier n’ambitionne pas de résoudre les différences entre présupposés normatifs de départ en fonction des disciplines mais de les rendre visibles pour pouvoir les exploiter. Un point d’appui pour ce travail pourrait être le questionnement des présupposés normatifs compris dans les travaux sur l’éducation (montée en puissance de l’investissement social, norme de l’employabilité, tentatives de moralisation renvoyant aux responsabilités individuelles…).

Afin de permettre à cet atelier exploratoire de proposer des résultats de recherche, quelques terrains d’études permettant une approche des politiques éducatives en contexte scolaire et extra-scolaire seront privilégiés :

  • En contexte scolaire : une approche par le biais des politiques scolaires locales et de l’historicité de la prise en charge de la scolarisation à l’échelon municipal ainsi qu’auteur des questions d’innovation pédagogique ;
  • Afin de dépasser ce cadre institutionnel : une prise en compte des interactions en lien avec la formation professionnelle et l’éducation populaire.

 

 

Programme prévisionnel

L’atelier exploratoire maintiendrait comme objectif premier la soumission d’un numéro spécial de revue (Education et Sociétés, par exemple). Pour achever sa préparation, l’atelier prendrait la forme d’un séminaire organisé en trois temps et de deux missions de terrain pour certains membres du projet.

Un premier ensemble de séances aurait pour objectif la confrontation des résultats des discussions menées en 2016, enrichies à partir des projets des participants. Venant d’horizons disciplinaires différents et travaillant à différentes échelles, il s’agirait de confirmer le cadre de travail collectif établi à l’issue des séances de séminaire de juin et octobre 2016.

Un deuxième ensemble de séances prendrait la forme d’un séminaire de recherche, au cours duquel des chercheurs extérieurs au projet seraient sollicités. Les séances permettraient de faire discuter des chercheurs issus de disciplines différentes afin de travailler une notion ou un contexte précis. Les thématiques envisagées s'articuleraient autour des projets d’articles définis à la fin de l’année 2016.

Enfin, les dernières séances porteraient sur le projet de numéro spécial à soumettre à une revue, notre ambition étant de proposer, autant que possible, des articles à plusieurs. Chaque proposition serait ainsi soumise à une première évaluation avant expertise par la revue. Ce travail favoriserait la complémentarité entre les différentes approches retenues par les articles.

 

[1]               Voir VAN ZANTEN A., « Chapitre 6 : La construction des politiques d'éducation De la centralisation à la délégation au local », in CULPEPPER D., HALL P., PALIER B., La France en mutation. 1980-2005, Paris, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), «Académique », 2006, pp. 229-263, et  CHARLOT B. (coord.), L'Ecole et le territoire. Nouveaux espaces, nouveaux enjeux, Paris, Armand Colin, 1994.

[2]               BUISSON-FENET H., L'Administration de l’Éducation nationale, Paris, PUF, 2008 ; « L'éducation scolaire au prisme de la science politique : vers une sociologie politique comparée de l'action publique éducative ? », Revue internationale de politique comparée 3/2007 (Vol. 14), p. 385-397.

[3]               SAWICKI F., « Pour une sociologie des problématisations politiques de l'École. », Politix 2/2012 (n° 98), p. 7-33.

[4]                                LUC, J.-N., SAVOIE, P. (dir.), « L’État et l’éducation en Europe, XVIIIe-XXIe siècles », Histoire de l’éducation, 2012 (n°134).

[5]               CHAPOULIE J.-P., L'Ecole d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire, Rennes, PUR, 2010.